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Qu’elle était l’origine d’Hannibal ? Un texte de Abdelaziz Belkhodja

Qu’elle était l’origine d’Hannibal ? Un texte de Abdelaziz Belkhodja

Quelle était l’origine d’Hannibal?

Beaucoup se posent la question, les Anciens eux-mêmes ont énormément brodé là-dessus. Silius Italicus, l’auteur de Punica, une épopée de 12 000 vers à la gloire d’Hannibal, le présente comme le descendant de l’un des compagnons de fuite d’Elyssa, conférant ainsi à sa famille une ascendance quasi-légendaire. D’autres auteurs, moins expansifs, tentent de présenter la famille Barca comme une famille noble, du fait d’un prétendu patrimoine agricole. Mais rien ne le prouve, ce ne sont que des interprétations. Aucun auteur n’est affirmatif.
Si on essaye de se référer uniquement aux faits, Hannibal est né en 247 av JC, c’est à dire au 6e siècle de Carthage. C’est un peu l’équivalent d’un Tunisien d’aujourd’hui dont les ancêtres sont arrivés au 15e siècle… à l’époque de Kheir Eddin Barberousse qui est né dans une famille grecque ottomane installée sur l’île de Lesbos. Imaginons que Barberousse ait laissé une famille qui s’est installée à Tunis. Est-ce qu’aujourd’hui, un descendant de cette famille se sentirait Grec ou Ottoman? Est-ce qu’il parlerait le Grec ou le Turc ? Aurait-il pu garder une quelconque «noblesse des origines» avec toutes les péripéties qu’a vécues la Tunisie ces 6 derniers siècles? C’est pratiquement impossible.
Carthage par contre durant les six siècles qui ont précédé Hannibal, a connu une grande stabilité aussi bien économique que politique. Une noblesse aurait donc pu survivre, mais Carthage était une république où l’élément aristocratique n’était pas dominant. D’autre part, il faut réaliser qu’à la fondation de Carthage, les Tyriens étaient très peu nombreux, quelques centaines tout au plus. Certes, d’autres flux de Phéniciens ont précédé ou suivi la fondation de Carthage, mais leur nombre n’aurait jamais pu être significatif au point de « demeurer » politiquement ou même génétiquement parlant. Les Tyriens se sont immédiatement mélangés aux nombreux Berbères de Tunisie, d’où par ailleurs l’appellation de civilisation berbèro-punique ou phénico-berbère et où l’élément phénicien est très vite devenu purement culturel.
Certes, Carthage a gardé des liens avec sa métropole d’origine et d’ailleurs lors de la destruction de Tyr par Alexandre le Grand au 4e siècle, des milliers de Tyriens sont venus se réfugier ici. Mais devant la population de la République carthaginoise, c’était insignifiant.
Ainsi, la famille d’Hannibal était tout simplement une famille «tunisienne», on disait à l’époque «africaine». Ce qui nous permet de le penser, c’est qu’Hannibal, suivant l’exemple de son père, a toujours préféré choisir ses commandants selon leur génie plutôt que d’après une quelconque origine sociale, ce qui est un signe d’intelligence mais aussi d’un certain esprit, un esprit de réformateur, c’est à dire absolument opposé à toute différenciation sociale. Dailleurs son père et lui ont dirigé le Parti Réformateur qui était institutionnellement soutenu par La Chambre du Peuple, et on voit mal une chambre du peuple soutenir des nobles.
Enfin, et pour clore ce débat, Hannibal était et reste surtout un personnage supranational. Les Tunisiens le revendiquent, les Libyens, les Espagnols aussi. Et aujourd’hui, ce sont les affro-américains qui le revendiquent d’où le choix d’un acteur noir pour des films programmés.
Pourquoi Hannibal demeurera toujours une personnalité supranationale? Parce que tout en défendant sa patrie, il s’est fait le champion de la plus grande des valeurs universelles. C’est ainsi qu’en 218 av. J.C. lorsque Rome a déclaré la Guerre à Carthage, Hannibal a lancé son armée vers l’Italie en traversant le fleuve-frontière Èbre en prononçant ces mots : « Nous avons passé l’Èbre […] pour être les libérateurs de l’univers.»

 

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Abdelaziz Belkhodja ©️

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