En lice pour la compétition officielle des 24èmes Journées Théâtrales de Carthage (JTC, 2-9 décembre 2023), la pièce intitulée « 220 logements » de la Côte d’Ivoire se distingue comme une comédie musicale. La mise en scène est signée Sow Souleymane, et la production est assurée par la Fabrique culturelle.
Présentée pour la première fois sur le continent africain mardi soir à la salle Le Rio à Tunis, la pièce se caractérise par une scénographie originale. Elle repose sur des décors constitués de deux structures métalliques, une table, des chaises, et un rideau de fond noir.
« 220 logements » se présente comme une trilogie de 52 épisodes dépeignant les trente années les plus tumultueuses de l’histoire de la Côte d’Ivoire, le tout traité avec une touche d’humour. La première saison aborde la genèse de la crise ivoirienne (de 1990 à 2000), suivie des années de plomb (de 2000 à 2010), et enfin, la troisième saison se concentre sur le deuxième miracle économique du pays.
Cette comédie dramatique musicale d’une durée de 1h40 relate les péripéties de la vie de huit personnages résidant dans la cité emblématique des 220 logements à Abidjan. Ces personnages ont été témoins du basculement politique et social de la Côte d’Ivoire au rythme de la musique zouglou.
L’histoire est narrée à travers les perspectives variées du « vieux retraité coureur de jupon », du « tenancier de bar au courant de tout », de « la femme célibataire pinup du quartier », du « fonctionnaire corrompu », ainsi que de « jeunes pleins de rêves et d’espoirs prêts à tout pour ne pas hypothéquer leur avenir ».
Brou Samuel Kondo Julien, comédien, chanteur et danseur, ainsi que Min Attia Kouakou, l’assistant du metteur en scène, tous deux diplômés de l’Institut supérieur des arts de l’action culturelle (INSAAC), ont partagé leurs impressions sur cette œuvre et les conditions de sa production lors d’une entrevue avec la TAP à l’issue du spectacle.
Le titre « 220 logements » fait référence à une cité en Côte d’Ivoire réservée exclusivement aux fonctionnaires de l’État, comme l’a expliqué l’artiste Brou Samuel Kondo Julien, un pédagogue certifié en enseignement d’art dramatique.
La pièce est produite par La Fabrique culturelle, dirigée par Chantal Djédjé, l’auteure de la pièce. Dans cette création, elle revisite trente ans d’histoire en Côte d’Ivoire, mettant en lumière l’émergence de la crise qui a profondément bouleversé la situation d’un pays autrefois paisible.
Le concept d’ivoirité, abordé dans la pièce, a été introduit par le président Henri Konan Bédié lors de son accession au pouvoir en 1993, comme l’a expliqué le comédien. Cette notion trouve ses racines dans la revendication d’une Afrique authentique dans les années 70, mais elle a pris une tournure conflictuelle lors des troubles politiques qui ont suivi la mort de Félix-Houphouët-Boigny, le père fondateur de la nation, après trente ans de règne.
L’ivoirité stipulait qu’une personne ne serait considérée comme ivoirienne que si ses quatre parents étaient nés en Côte d’Ivoire. Cependant, ce concept s’est révélé dévastateur en raison de son instrumentalisation à des fins politiques, excluant ainsi les opposants politiques non-ivoiriens et de nombreux immigrants d’origine sahélienne installés dans le pays depuis l’époque coloniale.