Saida Aicha Manoubia, est une érudite, philosophe soufie et sainte dans un milieu religieux éminemment masculin, qui bien avant les femmes Imams, qui aujourd’hui au Danemark, aux Etats-Unis, en Belgique, en Suisse, au Canada, en Allemagne, en Malaisie ou encore en Chine , dirigent les prières et bousculent les règles, a décidé, au XIIIe siècle, de défier les traditions patriarcales en priant à la mosquée Zitouna en compagnie des hommes et a implicitement révolutionné la conception de la femme dans la religion musulmane.
Lella Manoubia ou Saïda Manoubia, de son vrai nom Aïcha Manoubia est née au XIIIe siècle à La Manouba. Elle est considérée comme l’une des philosophes soufies les plus importantes de l’histoire et comme une activiste des droits de l’homme avancée sur son temps. Très jeune, elle montra un intérêt pour les textes islamiques et fit preuve d’une indépendance d’esprit et de caractère qui l’éloignèrent de la vie de famille traditionnelle, réservée aux femmes de son époque Son intérêt pour le savoir et son indépendance, la firent passer pour folle. Elle se révolta contre l’autorité de sa famille en refusant des épousailles forcées et quitta le foyer pour Tunis puis pour de multiples endroits qui la conduisirent loin de la capitale. Elle se consacrera à la science, à la méditation et à l’action en faveur des droits de la femme. Dans la médina, elle mendiait, mais se rendit célèbre par sa charité auprès des plus défavorisés. Elle poursuivra ainsi sa vie de mystique, recevant les fidèles et imposant une certaine crainte par son mode de vie et sa beauté. Formée aux côtés des grands maitres soufis de son temps, Aicha a su appliquer au quotidien la liberté́ d’esprit prônée par ce courant de pensée. Proche de la Tariqa Chadiliyya, elle s’est vue attribuée le titre de « pôle », haute dignité dans la hiérarchie soufie, dirigeant de ce fait des imams. Elle va jusqu’à prier à la mosquée Zitouna de Tunis en compagnie des hommes, ce qui constitue un « fait révolutionnaire dans l’histoire du monde musulman ».
Lorsqu’elle meurt en 1257, toute la ville de Tunis suit son cortège funèbre jusqu’au cimetière El Gorjani où son mausolée a été sauvegardé dans la verdure. A elle seule, Saida el Manoubia, a incarné la modernité d’une femme qui refuse sa condition et a révolutionné la conception de la femme dans la religion.